27/01/21

Devoir de Lakevio du Goût n° 65



En voyant « Le pêcheur à la ligne » de Renoir, m’est venue une question. Mais que peuvent-ils bien penser, l’un et l’autre. Ou l’un ou l’autre. L’une ? L’autre ? Tentez donc de pénétrer leurs pensées d’ici lundi.

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Mais qu'est ce qui lui a pris d'accepter cette proposition stupide ? Voilà trois heures que nous sommes là, immobiles dans le froid du matin, tout engourdis déjà par cette posture incommode, avec interdiction de tourner le tête ou d'échanger deux mots. Et lorsque je lève furtivement un œil de mon journal, je vois son bras qui commence à trembler; la crampe le menace. Bien fait !
Je n'imaginais pas lorsqu'il m'a proposé un dimanche au bord de l'eau que nous nous retrouverions ainsi, tous deux prisonniers d'un tyran en blouse blanche concentré sur sa toile et ses pinceaux, et ne prêtant nulle attention à notre inconfort grandissant. Ma robe et mes dessous sont maintenant tout humides mes pieds sont gelés et si cette séance de torture se poursuit je ne suis pas certaine de me retenir d'éternuer. 
Je sais bien que tout à l'heure nous profiterons d'un bon repas bien arrosé et que nous rentrerons chez nous avec la bourse un peu moins plate, mais tout de même est-ce vraiment raisonnable de nous infliger un tel supplice ? Je préfèrerais de beaucoup être modèle dans un atelier bien chauffé, mais il me dit que mes courbes, ces courbes qu'autrefois il aimait tant, ont désormais perdu l'attrait de la jeunesse, qu'il faut me faire une raison ....
Je crois surtout qu'avec son élégance princière et sa barbe toujours bien taillée, il caresse en secret  un rêve de gloire. Se laisser contempler par les foules dans un grand musée parisien, prêter sa silhouette altière à un chef d'œuvre mondialement admiré. Voilà sans doute pourquoi il a accepté la proposition de monsieur Renoir. Hélas, il ne le sait pas encore (et ne le saura jamais), mais ce merveilleux tableau qui nous saisit sur le vif et nous laissera en cadeaux un bon rhume et quelques courbatures, ce magnifique tableau fera partie de collections privées d'où il ne s'échappera que le temps de quelques rétrospectives de l'œuvre du Maitre !


21/01/21

Devoir de Lakevio du Goût n° 64

 

Jack_Vettriano-File7644.jpg 

Je vous propose de dire ce que vous inspire cette toile de Jack Vettriano.
Une histoire qui commencerait par :
«  Un bel organe, un imperturbable aplomb, plus de tempérament que d’intelligence et plus d’emphase que de lyrisme, achevaient de rehausser cette admirable nature de charlatan, où il y avait du coiffeur et du toréador. »
Et qui finirait par :
« Elle en retira qu’il n’avait que l’aspect d’un brave, avec l’entrain facile d’un commis voyageur. »

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Un bel organe, un imperturbable aplomb, plus de tempérament que d’intelligence et plus d’emphase que de lyrisme, achevaient de rehausser cette admirable nature de charlatan, où il y avait du coiffeur et du toréador. 

Dès qu'il était entré dans le bar elle avait instinctivement senti que ce garçon serait peut-être sa prochaine prise. Voilà des semaines qu'elle était chargée de recruter ceux qui feraient partie de la nouvelle cellule. Elle passait le plus clair de ses journées à tester les futures recrues et ce soir-là son flair exercé lui avait suggéré de s'approcher du bel inconnu qui cabotinait un peu plus loin. Assise au bar, jambes croisées et poitrine faussement insolente elle avait lancé vers lui les regards hésitants d'une jeune vierge timide et provocante. Cinq minutes, six peut-être, et la proie fut ferrée. Le reste ne fut plus que routine. Questions détournées et analyse psychologique. Elle lui souriait, l'écoutait, l'interrogeait, le menait sur les chemins d'un interrogatoire si subtil qu'il ne perçut pas le piège et répondit avec complaisance, si sûr de son irrésistible charme, si fier d'être écouté et apprécié à sa juste valeur par cette femme un peu trop mûre peut-être mais si élégante et raffinée. Déjà il projetait la soirée, cherchait dans sa mémoire un lieu qui pourrait convenir à des ébats qu'il imaginait enflammés, il ....  Mais elle s'était levé soudain, l'avait regardé bien en face et dans un sourire moqueur lui avait souhaité une bonne soirée avant de glisser dans la nuit.

Il garda de cet épisode une brulure d'amour propre douloureuse et irrémédiable. Elle en retira qu’il n’avait que l’aspect d’un brave, avec l’entrain facile d’un commis voyageur.